Ouidah et ses cultes

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Le vaudou (ou vodou, ou vodoun) est une religion originaire de l’ancien royaume du Dahomey (Afrique de l’Ouest). Il est toujours largement répandu au Bénin et au Togo, comme dans le célèbre marché des féticheurs à Lomé.

À partir du xviie siècle, les Noirs capturés, réduits en esclavage, originaires de cette région d’Afrique répandirent le culte vaudou aux Caraïbes et en Amérique. Le vaudou se retrouve donc sous différentes formes à Cuba, en Haïti, au Brésil ou encore aux États-Unis, en Louisiane surtout. Il s’est aussi répandu en Afrique du Nord, où il se retrouve sous différentes formes, dont la plus connue est le Gnawa au Maroc et en Algérie, mélangé au folklore religieux arabo-musulman. Le culte vaudou compte environ 50 millions de pratiquants dans le monde. De nombreuses communautés « vaudouisantes » existent dans le monde entier, majoritairement sur le continent américain, et aux Antilles. Il existe en Europe des communautés plus discrètes mais néanmoins actives tel que le Hounfor bonzanfè, le Lakou sans Lune ou le Hounfor Konblanmen. Au début du xxie siècle, le vaudou s’étend également au Canada où de nombreuses communautés ont vu le jour et tentent de mettre ce système de croyance au devant de la scène.

La Côte des Esclaves est le berceau du Voodoo, ou du Vodun, nom sous lequel le culte est connu au Bénin. Les mêmes nombreuses pratiques ainsi que des objets à signification religieuse retrouvés il y a des centaines d’années peuvent toujours être découverts au Bénin aujourd’hui. Quoique les croyances chrétiennes et musulmanes aient largement remplacé le Vodun dans les centres urbains béninois, ce dernier continue à s’infiltrer dans la culture.

Les adeptes du Vodun (Vodunsi) reconnaissent, en dehors des esprits des défunts, de nombreuses divinités indépendantes. On s’en remet aux Vodunsi afin qu’ils approchent les déités et les esprits et obtiennent la naissance des bébés et prévention des maladies, aident à amasser une fortune, vaincre les ennemies et mériter la grâce des dieux et le paradis après la mort. Parmi ces dieux, plusieurs sont représentés par les phénomènes naturels : mer, soleil, lune, feu, arbres et une maladie – la variole. La vénération du dieu-serpent Dan (Dangbé), dont les ancêtres furent des pythons, est particulièrement répandue à Ouidah, comme elle l’était dans l’ancien royaume de Xwéda.

es divinités différentes possèdent  des prêtres nommés, requièrent des objets de culte spécifiques et des pratiques religieuses auxquelles les fidèles doivent se soumettre. Des cérémonies, qui ont souvent lieu en fonction des saisons, impliquent habituellement le port des costumes et la décoration du corps, les danses, les chants, le jeu des instruments tels que clochettes et tambours. Le Musée d’Histoire de Ouidah aborde le thème du Vodun d’aujourd’hui et par le passé en présentant les objets découverts à la suite des fouilles archéologiques, ceux utilisés pendant les pratiques de vénération des dieux et des ancêtres ainsi que des images des cérémonies sacrées.

La science divinatoire est pratiquée au Bénin en même temps que le Vodun. Ceux qui désirent connaître l’avenir ou découvrir la vérité peuvent s’adresser aux praticiens de la divination qui utilisent des instruments et méthodes traditionels pour satisfaire l’interessé. La présentation d’un grand nombre de ces instruments permet au musée de faire la lumière sur les traditions religieuses de la zone.

A propos du Vodoun : Le mauvais sens du mot prend le pas sur le vrai (L’Araignée)

N’étant ni un sociologue ou un anthropologue, ni un philosophe ou un spécialiste des religions organisées, j’espère que cette esquisse servira de levain à des voix plus averties pour que bientôt la lumière soit. Cela dit en guise de mise au point, venons-en au sujet proprement dit. Le mot vodoun a une multitude d’orthographe :

voodoo, vodou, vodu, voudou, vudun, vaudou, ou vaudoun. De la même manière, il a plusieurs définitions, les unes plus fantaisistes que les autres. D’ailleurs on se rend bien compte qu’en Occident en général et aux USA en particulier, lorsqu’on parle de vodoun, on pense à la sorcellerie, aux pratiques occultistes, aux cultes syncrétistes mystérieux, aux envoûtements, aux incantations…Bref, on pense à tout ce qui est foncièrement mauvais et nuisible et dont les contours sont difficiles à cerner. Cette opinion est si largement répandue qu’elle est en passe de s’imposer définitivement et/ou d’occulter le vrai sens du mot. D’ailleurs, les films à sensation de Hollywood, les pratiques occultistes syncrétistes en cours dans quelques pays de l’Amérique du sud (Haïti, Brésil…) entretiennent bien la confusion sur l’idée de vodoun. Par exemple, un article intitulé Interest surges in Voodoo, and Its Queen(1) paru dans le New York Times du 30 septembre 2003 et relayé par le Houston Chronicle abonde dans le même sens. La photo qui illustre cet article est bien significative. En effet, ladite photo présente une femme (une prêtresse ?) assise devant une table sur laquelle il est dessiné un cercle avec des signes probablement zodiaques et où se trouvent des objets variés dont deux bougies. En arrière plan, on a une statue et une image de la Sainte Marie au pied de laquelle il y a un masque. Cette illustration renforce à bien des égards l’idée occidentale du vodoun. Cette femme, entourée d’objets aussi divers qu’hétéroclites, a l’air plutôt d’une pratiquante d’un culte syncrétiste. De tout ce qui précède, on constate que l’opinion occidentale confine le mot vodoun dans un sens purement péjoratif : culte syncrétiste alliant magie noire et sorcellerie.

Et pourtant, le mot vodoun dont le sens est ainsi complètement galvaudé n’est pas que cela. Qu’est ce que le vodoun en réalité ? Le terme vodoun dérive du Fon (2) « vodun ». Voici comment le définissent B. Segurola et J. Rassinoux(3) dans leur dictionnaire Fon-Français, éditions SMA 2000, Madrid, p.469 : « Déité de la religion traditionnelle au sud du Bénin, improprement traduit par « fétiche ». Toute manifestation d’une force qu’on ne peut définir, toute monstruosité, toute ce qui dépasse l’imagination ou l’intelligence est vodoun, c’est-à-dire une chose mystérieuse et qui réclame un culte. On ne s’adresse habituellement pas à Dieu mais à ces forces agissant, en bien ou en mal, dans ce monde. Le but principal du culture semble être de capter à son profit ces forces mystérieuses : culte fait d’admiration, d’amour et de crainte comme en témoignent de nombreuses prières… »

Plusieurs remarques s’imposent à partir de cette définition. Le Vodoun est une religion polythéiste, c’est-à-dire une des multiples formes d’animisme qui existe partout dans le monde. Le Vodoun sous sa forme primitive existe encore au Bénin. Même si les adhérents du vodoun, en dehors de leurs dieux croient en un autre Tout-puissant, cela n’a certainement rien à voir avec le Dieu chrétien. Par conséquent, on ne saurait parler dans ce cas de syncrétisme. Si la cohabitation du Vodoun, de l’Islam, et du Christianisme entraîne qu’on trouve les fidèles d’un camp dans l’autre camp, ce sont alors les fidèles qui sont syncrétistes et non pas les religions elles-mêmes, du moins dans le cas du Bénin. Par ailleurs, le mot fétiche n’est pas l’équivalence du mot Vodoun. Il n’a rien à voir avec le sexe, contrairement à la conception occidentale du terme. Le fétiche est plutôt l’objet représentatif du vodoun, tout ce qui le symbolise ; c’est aussi son gîte. Le fétiche en soi n’a aucune force magique. En guise d’une comparaison, on peut dire que le corps humain est pour l’âme ce que le mot fétiche est pour le Vodoun. Pour finir, il parait opportun de dire qu’on aurait attribué le galvaudage du sens du mot vodoun en Occident à un phénomène diachronique(4) si le sens premier et/ou primitif du mot n’existe plus comme tel sous d’autres cieux. On aurait aussi dit que le sens du mot vodoun le plus utilisé en Occident en est le sens figuré si ce dernier n’est pas en passe de supplanter le vrai sens. Même s’il y a des gens qui, à dessein, associent le vodoun à d’autres pratiques dans le but de cacher ce qu’ils font réellement, on ne doit pas perdre de vue que le vodoun est d’abord une religion. La religion étant en principe une institution positive. Il n’en saurait être autrement pour le Vodoun qui n’a donc rien à voir avec la magie noire, la sorcellerie, les envoûtements…

NOTES

1- Interest surges in Voodoo, and Its Queen by Stephen kinzer in New York Times, Sept.30, 2003 2- Le Fon est une langue parlée au centre et au sud du Dahomey, actuelle République du Bénin 3- Segurola et J. Rassinoux sont deux prêtres européens qui ont séjourné pendant longtemps au Bénin et qui ont publié aux éditions SMA, Société des missions Africaines, deux tomes de dictionnaire Fon-Français et Français Fon. 4- En linguistique, la diachronie est une évolution des faits dans le temps